Il est convenu de dire que lors de l’élection présidentielle, les gens élisent un homme avant un projet. Quelles sont alors les motivations du peuple ? Eliminer ou adouber ? Dans les deux cas la finalité est identique. Le peuple se cherche un héros qu’il puisse admirer avec l’espoir de le voir changer, non pas le monde, mais son monde.

Ils ont façonné nos représentations du monde

Selon son étymologie, le héros, du grec herôs, est un demi-dieu. Evidemment, cette particularité lui permet d’accomplir un certain nombre d’actions valeureuses. Parmi les héros les plus célèbres, retenons Achille qui contribua grandement à la conquête de Troie, Héracles et ses douze travaux ou encore Persée qui tua la Méduse et délivra Andromède. Bien que glorieuse, leur vie n’en est pas moins dramatique à certains moments ce qui les rend encore plus sympathiques. Comme nous, les héros connaissent le malheur, de par leur demi-humanité. Ils n’en comprendront que mieux nos maux pour les combattre.

Revenons au 21ième siècle et regardons qui sont nos héros et quelle est leur caractéristique première ? Ils sont admirables, ce qui nous permet de croire qu’ils pourront nous délivrer de nos chaines : chômage, violence, pauvreté, injustice, maladie, illettrisme, morosité… Chacun pourra compléter la liste selon ses propres problèmes.

C’est ainsi que celui qui pourra montrer un pouvoir promettant une intervention semi divine, capable de résoudre les difficultés quotidiennes auxquelles nous sommes confrontées détiendra les voix, la voie, de l’élection. Cela ne sera certainement plus un président normal, trop normal. Trop humain. Il avait pourtant promis de régler son compte à la finance, mère de tous les démons. On aurait pu croire que tel Robin des Bois, il allait redistribuer ensuite aux pauvres le butin des places boursières. On aurait pu lui attribuer une parenté divine.

Si nous regardons de l’autre côté de l’Atlantique à l’occasion de l’élection de Donald Trump, que voyons-nous ? Des tours où est inscrit « TRUMP » sur une hauteur de trois étages. Un homme avec une cravate rouge qui descend d’un avion où est inscrit « TRUMP » sur la carlingue, qui fait son meeting sur le tarmac et repart comme il est venu, à la rencontre de citoyens, deux états plus loin. Un mélange de Walt Disney qui vient toucher l’enfant que nous avons été (Picsou nageant dans les pièces d’or et s’envolant dans son jet) et Marvel, Iron Man le justicier capable de vaincre les terroristes avec Tony Stark, le milliardaire génial aux manettes. Donald Trump avait décidément tout pour réussir. Pourquoi avoir un programme quand on a telle fortune ?

L’impuissance acquise, un mal égoïste

Proposée au départ par le psychologue Martin Seligman (1975), l’impuissance acquise est le résultat d’expériences, nous amenant à penser que nous sommes impuissants dans certaines circonstances. Cette impuissance amène au désespoir qui lui-même favorise l’attente d’une main secourable, celle du héros.

Reste à savoir comment enseigner la puissance pour juguler l’impuissance ?

Arrêtons de croire qu’une personne, parce qu’elle est élue, puisse nous apporter un quelconque secours personnel. Regardons plutôt l’incidence sur la société de ce qu’elle propose. Au fond, celui qui n’attend rien ne peut être déçu.

Visons l’intérêt collectif plutôt qu’individuel pour prendre de la hauteur sur le choix de nos votes. Rappelons-nous le discours d’investiture de Kennedy (1961) : « Ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, mais plutôt ce que vous pouvez faire pour votre pays. »

Stan MADORE